lundi 29 octobre 2007

On peut toujours discuter - 2

De : Brice Catherin
A : Fred Jaccod-Guillarmod


Salut mon Jaccod,

Alors pour toi, je n’ai que quelques questions. Mais si je te les pose, ce n’est non pas parce que j’en ai une réponse qui serait différente de la tienne, mais parce que je n’en ai, réellement, aucune. J’ignore si les tiennes me conviendront, mais au moins elles nous permettront de poser sur la table quelques-unes de nos préoccupations respectives.

Tu me dis : « le théâtre, c’est le texte ». Je pense à Optimistic Versus Pessimistic de Oskar Gomez Mata, et à la scène finale et jubilatoire lors de laquelle, armé d’un gigantesque maillet, Oskar démolie une pile de meubles sans un mot, mais avec son célèbre sourire goguenard en coin. C’est un moment extrêmement touchant, pour moi un des meilleurs souvenirs de cette pièce. Question : en quoi la démolition de ses meubles est-elle l’exécution théâtrale d’un texte ? Ou alors, puisqu’il n’y a aucune texte à ce moment-là, Oskar sort-il du théâtre pour faire autre chose ? Quoi ? Et quand Rodrigo Garcia (désolé y’a que des Espagnols qui me passent par la tête juste maintenant) fait faire un concours de mangeage de spaghettis froids à ses comédiens, scène violente à l’extrême, et pleine de sens (car oui, je persiste, le sens n’a pas besoin du langage), en quoi s’agit-il là d’un texte ? Attention, je ne prétends pas qu’il ne s’agit pas d’un texte, je te pose, sincèrement et humblement (ça m’arrive) la question. Merci à toi de me répondre.

Je pose une autre question : si le texte est tellement important, pourquoi ne suffit-il pas de le lire ? Ma réponse (là par contre j’en ai une) est que le théâtre se justifie par ce qu’il apporte au texte. (Et il apporte un paquet de trucs, je pense qu’on est d’accord là-dessus.) Alors ma question, en toute naïveté est : tout ce que le théâtre apporte, pourquoi ne pourrait-il pas l’apporter à autre chose qu’à un texte ? Personnellement, je suis persuadé que c’est possible, et ai actuellement en cours d’écriture deux projets dans lesquels sera impliquée Delphine Rosay (comédienne et metteuse en scène) car elle et moi pensons qu’une partition peut produire du théâtre. (Enfin Delphine, je parle à ta place, arrête-moi si je me trompe.) Mais Delphine et moi sommes peut-être deux cons, ce qui expliquerait qu’on s’entende aussi bien. Bref, arrête-moi si je délire. Vraiment.

Le bisou et à demain,

Brice.

On peut toujours discuter - 1

De : Brice Catherin
A : Roberto Garieri

Salut ma petite caille dorée,

Comme j’ai un cerveau trop lent pour pouvoir discuter de vive voix de choses faisant appel à toute forme de réflexion intellectuelle, je pensais t’envoyer un émail, et puis constatant que notre discussion pourrait avoir un intérêt pour tout le collectif3, voire, pourquoi pas, pour toute personne aussi naïve que moi se posant des questions sur le théâtre, je décide carrément de le balancer sur ce blog en pâture à nos millions de lecteurs quotidiens.

Rappelons pour les autres et pour nous-même notre différend du jour : tu prétends que la Divine Comédie est une partition, moi, non. Si un désaccord ne me gêne pas forcément – et si c’en était un en ce qui nous concerne il ne me gênerait en l’occurrence pas – je suis par contre bien plus embêté par cette chose pénible qu’est l’incompréhension. Or, force est de constater que nous ne nous comprîmes pas. Je vais donc essayer de m’expliquer autrement, et t’invite ensuite à réagir à mon explication afin que je te comprenne à mon tour, pour autant que tu m’aies compris après ladite imminente explication.

De mon humble avis, en ce qui concerne la codification d’une œuvre vivante (théâtrale, musicale, chorégraphique ou autre), il me semble que deux sortes de codifications sont possibles :

1) Soit tu codifies, avec toutes les lacunes que cela suppose, le produit d’arrivée. C’est ce que fait une partition, qui n’est pas un produit fini (la partition n’a pas de raison d’être sans l’interprète) mais tente de codifier le plus précisément possible le produit fini par ledit interprète. C’est aussi le cas d’un texte théâtral au sens strict du terme (car on pourra m’objecter que tout texte est théâtral). Encore une fois, une codification exhaustive est tout simplement impossible, mais c’est pourtant la codification du produit final que tentent les susnommés supports.

2) Soit tu codifies le produit de départ de (ce qui va devenir) ta production finale. C’est-à-dire qu’entre le produit de départ (une idée, un concept, un texte philosophique…) et le produit d’arrivée a eu lieu tout un processus d’adaptation, de traduction, ou que sais-je encore, mais que ce produit de départ, s’il impose un thème, ou une direction au travail, n’en impose certainement pas son résultat final (comme tente de le faire, disais-je donc, la codification du produit final dont nous parlions au point 1 du présent exposé). Pour prendre un exemple peu ambigü (me semble-t-il), quand Richard Strauss fait du Ainsi parlait Zarathustra de Nietzsche un poème symphonique (sans chant, sans texte), il a pris un produit de départ qui est un texte de Nietzsche, et en a fait un produit d’arrivée dont la direction et le fond découlent du produit de départ, sans pour autant être sa formalisation stricte (quelle pourrait-elle être, d’ailleurs ?), et, pourtant, sans l’avoir trahi ! (Du moins de mon humble point de vue.)

Alors notre incompréhension mutuelle, je la soupçonne d’être là : où met-on Dante ? Pour moi c’est clair : Dante c’est un produit de départ, qu’il n’est pas question de trahir, mais qu’il n’est pas question non plus de prendre comme le code d’un produit fini (soit : un texte à livrer tel quel). Pour toi, cela semble être clair : la Divine Comédie est le code d’un produit d’arrivée et doit donc, et vu comme ça, comment pourrais-je te donner tord ?, être lu tel qu’il est.

Est-ce que j’ai bien compris ton raisonnement ?

Maintenant, je me pose toutefois des questions concernant la Divine Comédie comme codification de produit d’arrivée : on a lu ce texte, tous ensemble, plusieurs fois, et au début (même après la deuxième lecture), le taux de compréhension tournait entre un (pour moi) et quatre (pour toi et selon ta propre estimation) pour cent. Alors comment peut-on penser que de livrer ce texte tel quel à un éventuel auditoire le rendra pour ce dernier compréhensible ? Par quel miracle ledit auditoire comprendrait-il plus que quatre pour cent de ce texte lors d’une hypothétique lecture ? Est-il cent à vingt-cinq fois plus intelligent que nous ? Connaît-il déjà super bien ce texte ? (Alors pourquoi le lui lire ?) Bref, vu de cet angle, livrer le texte de la Divine Comédie « tel quel » me paraît carrément une absurdité. Mais je n’exclus pas la possibilité d’être un con et de ma gourer complètement.

Enfin, une dernière remarque, qui entre dans le plus pur domaine de la subjectivité, mais je te la livre quand même : je ne peux m’empêcher de penser que ce besoin viscéral de texte n’est pas autre chose qu’un besoin de bouée de sauvetage (crevée, d’ailleurs, à mon avis). Comme si le texte allait nous sauver, allait faire le boulot à notre place, ou que sais-je ? Je ne peux m’empêcher de penser que ce respect proche de la vénération pour le texte cache en réalité une peur bleue de se retrouver sans texte. Moi qui ai mis vingt-quatre ans à faire un son sans partition, je ne vais pas jeter la pierre, au contraire, cette peur ne m’a été que trop familière. Encore une fois, il ne s’agit là que d’une intuition, d’une remarque subjective, et il te suffira de me dire le contraire pour que je l’oublie.

Voilà, je te remercie d’avance de répondre à mes questions. Encore une fois je suis mal à l’aise avec l’incompréhension, a fortiori quand elle sous-entend que je suis un intrus et que je n’ai pas ma place là où je suis. Car si la mission du collectif3, fut-ce pour trois mois seulement, est de livrer un texte textuellement (la redondance est volontaire, hein, c’est bon), je ne vois pas ce qu’un musicien vient foutre là-dedans. Sincèrement. Bien que ce soit d’un réel intérêt, me semble-t-il, que je sois amené à lire, je doute que ma présence ne soit motivée que par cette seule lecture, sinon on aurait engagé des gens mieux placés. Bref, réponds, car on s’aime et on regarde ensemble dans la même direction, donc ça serait bien qu’on pige ce qu’on veut dire l’un et l’autre.

Gros bisou et à demain,

Brice.

lundi 22 octobre 2007

Parlez-vous grü?

Un des grands sujets de discussion et d'étude dans l'abord de la Comédie de Dante, a été et est encore la traduction. Entendu par là surtout la question du choix de la traduction de l'italien vers le français, de la perte occasionnée, de l'usage de la langue pour le travail etc... Pour la version française, Jacqueline Risset reste incontestée (si ce n'est parfois par Bernard Schlurick, mais la contestation étant sa partition, elle est surtout un heureux contrepoint critique). 

La version originale est toujours très présente et le sera toujours plus, notamment grâce à Sandra Amodio, qui travaillera avec le collectif en décembre et entraîne déjà les interprètes au maniement de la langue italienne, mais aussi avec la permanence de la "tapisserie dante", récitatif des chants en avant spectacle, auquel vous êtes cordialement invités à participer (voir site).

Ceci étant, le collectif3 a durant les 5 premières semaines travaillé essentiellement avec des germanophones plus ou moins bilingues, et cela a donné une coloration particulières aux échanges hors et dans le travail. 

Ces sonorités hybrides m'ont inspiré une idée de langue mixée, le "grü", dans laquelle le 1er chant de l'enfer ressemblerait à ceci: 


Erster Chant

 

Dem Höhepunkt du chemin de notre vie

je me retrouvai par ein dunkler Wald

car den Rechten Weg était perdu

Oh weh, erzählen ce qu’elle était est chose dure

cette forêt féroce, so dicht und dornig

qui ranime le Schreck dans la pensée

Elle est si bitter que Tod l’est à peine plus

doch um das Gute que j’y trouvai

zu zeigen, je dirai des andre choses que j’y ai vues.

Je ne sais nicht recht wie j’hinein geriet

Tant j’étais plein de Schlaf en ce point

où j’abkam weit von la voie vraie.

Als ich dann aber fus venu au pied d’un Hugel

où finissait cette vallée

qui m’avait das Herz bedrängt

je blicktais empor et je vis ses épaules

umhüllt déjà par les rayons de la planète

qui jedem seine Wanderpfade sichert.

Alors jetzt entspannte sich la peur un peu

die dans le lac du cœur m’avait duré

die ganze Nacht que je passai si plein de peine.

Et comme celui der nach Atem keuchend

sorti de la mer ans Ufer

zurückschaut vers l’eau périlleuse

ainsi wandte sich mon âme qui fuyait noch immer

pour regarder la Schlucht

qui ne laissa jamais keinen en vie.

Quand j’eus ein wenig reposé le müde Leib,

je repris mon chemin sur la plage déserte

und le pied ferme était toujours plus bas que l’autre.

Mais voici, gleich am steilen Anstieg,

une panthère, schlank und très agile,

que recouvrait ein buntgeflecktes Fell ;

elle ne bougeait pas devant mon visage

une même störte und hinderte meinen Aufstieg so,

das ich schon wankend wieder weichen wollte.

es war die Zeit où le matin commence

le soleil stieg samt allen jenen étoiles

die waren avec lui als am ersten Tag

l’amour divin bougea ces choses belles ;

si bien que j’avais guten Grund à espérer

de cette bête au gai pelage

l’heure du jour et la douce saison ;

mais non, musst ich gleich mich wieder fürchten

à la vue d’eines Löwen qui m’apparut.

Mir war als käm er contre moi,

la tête haute, so hungrig und so enragé

das on aurait cru voir die Luft vor ihm trembler.

Et une louve, qui paraissait so

voller Gier dans sa Magerkeit,

et qui fit vivre bien des gens dans la misère.

Der grauenvolle Ausdruck ihres Blickes

me fit sentir un tel accablement

que je perdis l’Hoffnung de la hauteur.

Et pareil à celui qui se plaît à gagner

mais dem zur Stunde des Verlustes dann

pleure et kläglich wird,

pareil me fit jenes ruhelose Tier

quand venant contre moi Schritt für Schritt

elle me repoussait zurückt ins Dunkel.

Tandis que je glissais so ins Tiefe,

une figure entstand vor meinen Augen

qu’un long silence avait toute affaiblie.

Quand je la vis dans le grand désert

« misere de moi » rief ich !

« Wehr du seist, Schatten ou homme certain! »

« Ich bin », sprach er, « kein Mensch, homme plutôt je fus,

et mes parents furent lombards

und beider Heimatstadt war Mantoue.

Je naquis noch sub julio

et vécus sous le grand Auguste, in Rom,

in der Zeit der Götter faux et menteurs.

Je fus Dichter, et je chantais le juste

fils d’Anchise, der zu uns von Troja kam,

nachdem l’orgueilleuse Illion verbrannt.

Mais toi, warum retournes-tu vers cette angoisse 

und nicht la douce montagne hinauf

qui est principe et cause d’echter Freude ? »

« Es-tu donc ce Vergilius, et cette source

qui répand so reich die Goldnen Worte ? »,

lui répondis-je avec gesenkter Stirn.

Ô Ruhm et lumière de tous les Dichter,

que m’aident den Fleiss und meine grosse Liebe,

qui m’ont fait chercher ton ouvrage.

Tu es mon Meister et mon auteur

Le seul où j’ai puisé die hohe Kunst

Du beau style qui m’a fait honneur.

Vois das Tier pour qui je me retourne ;

Aide-moi contre elle, berühmter, weiser Mann,

elle me fait trembler das Blut in allen Adern. »

Il te convient d’aller par un andrer Weg,

répondit-il, da er mich weinen sah,

si tu veux dich noch retten de cet endroit sauvage ;

car cette Wölfin, pour qui tu crie

ne laisse niemand passer par son chemin,

sie stellt den Menschen, et à la fin tötet sie ihn.

 Car elle a nature si bösartig et perverse

que jamais sa Lust ne s’apaise

et quand elle est repue wächst erst recht ihr Hunger.

Nombreux les animaux avec qui elle s’accouple,

et mit vielen andern wird sie’s treiben – bis

le lévrier viendra qui la fera mourir dans la douleur.

Lui, ne hungert pas nach irdischem Metall :

Mais sagesse, Liebe et vertu,

Et sa nation sera entre feltre et veltre.

Erlosen wird er cette humble Italie für das Camilla,

Turnus, Euralyus une Nisus kämpfend moururent.

Durch alle Städte il la chassera,

puis viendra la remettre in die Hölle,

d’où l’avait tirée zuerst der Neid.

Donc zu deinem Besten denk ich und je dispose

que tu me suives, et je serai ton Führer,

et je te tirerai weg von hier vers un lieu éternel,

où tu entendras verzweiflungsvolles Schreien

et tu verras les antiques esprits dolents

qui chacun dir den zweiten Tod entgegenheulen ;

et tu verras ceux qui sont contents

im Feuer, parce qu’ils espèrent venir

früh oder spät zum Sitz der Seligen.

Et si tu veux zu diesen encore dich erheben,

Une âme plus würdig que moi se trouvera :

à elle je te laisserai bei meinem Weggang ;

car ce Kaiser qui est là-haut,

ne veut pas que moi qui fus rebelle à son Gesetz,

je vienne zu seiner Stadt.

Allwärts il gouverne, doch là, il règne ;

là est sa ville et dort son Thron.

Ô glücklich celui qu’il y choisit ! »

Et moi, à lui : « mein Dichter, je te prie,

par ce Dieu que tu n’as pas connu,

pour que je fuie ce mal et pire,

Führ mich dort hin là où tu as dit,

que je voie das Tor de Saint Pierre

et ceux qui so schrecklich leiden, comme tu dis. »

Alors il s’ébranla, et je ging hinter ihm.

En enfer, la seule chose qu'on a, c'est du temps

Vendredi soir, 19h. Josef Szeiler ouvre les portes. Une heure avant il glisse le mot d'ordre aux interprètes: on entre dans la salle à 18h55, on s'assied, puis 9 minutes d'impro sur le thème déjà exploré d'une marche lente, un homme vers une femme, une marche qui vise de mettre la main au sexe de l'autre, mais partant d'une distance telle que, au vu de la lenteur, ils n'y arriveront vraisemblablement pas. Puis on arrête. Ce sera tout. En aparté il dit: "c'est la première fois de ma vie que je teste pareille brièveté. J'ai déjà fait des présentations de 12 heures, de 24 heures, de 36 heures même, mais 9 minutes, jamais". 
Samedi soir, 19h. Nouveau mot d'ordre. Improvisation sur trois chants, en utilisant le matériau accumulé durant les quinze jours. A savoir, le chant que chacun a appris par coeur, la chanson médievale que les femmes ont également apprise, le travail sur la perception, l'immobilité, le corps dans cet espace, white box. 
A la fin, après une pause, tous se retrouvent avec certains visiteurs/spectateurs pour échanger, de la parole, de l'idée, du commentaire, de la dispute. A la question de la motivation qui a sous tendu les quinze jours de travail, le postulat, très simple de Szeiler: finalement, en Enfer, la seule chose qui nous reste, c'est du temps. Du temps jusqu'au délire, un cauchemar éternel, du temps sans fin. Alors, pour aborder cet enfer, commençons par le prendre, le plus extrêmement possible. Aussi le travail des quinze jours aura surtout consisté en cela, une investigation extrême du temps, du corps dans l'espace temps, et donc, pour transposer le fait de l'éternité, une exploration de la lenteur...
 
La discussion terminée, Josef Szeiler décide de passer sur le champ le témoin au prochain intervenant,  Gilles Tschudi. Passation nocturne, et prise de contact entre 23h20 et 01h du matin. Gilles travaillera une semaine avec le collectif3, selon les horaires indiqués ci-contre, ouvrant toujours les portes aux visiteurs, toujours bienvenus. 

vendredi 19 octobre 2007

Le grand 9


Attraction de la saison au théâtre du grütli, le labo d'enfer poursuit sa descente dans les 9 cercles de dante. Depuis 15 jours, Josef Szeiler fait tourner le manège du grand poème dans une suprême lenteur,  à revers des vertiges d'un texte qui file à tombeaux ouverts dans l'obscurité des péchés.  Ouverture des portes ce soir à 19h, pour un tour de manège éclair, et demain dès 19h, pour une plongée dans un espace temps dilaté par les indications de ce maître zen et brechtien, 

mardi 9 octobre 2007

Josef Szeiler, de Vienne à Genève

Le bateau Dante s'éloigne du port. Après l'ouverture des portes de vendredi 5 et samedi 6, on file vers le deuxième cercle/2ème labo avec un nouvel intervenant, Josef Szeiler, metteur en scène autrichien qui a travaillé au Berliner Ensemble, côtoyé Heiner Muller, bref, participé à la légende du théâtre allemand contemporain. Mais c'est avant tout un créateur singulier et singulièrement peu prolixe, qui a répondu à l'appel du théâtre du Grü en premier lieu par amitié (pour Maya Boesch), et tout de suite après par curiosité pour un projet qui pose des enjeux similaires à ceux qu'il a toujours posé dans son travail: déplacer le modes et les limites de la représentations. On dira que c'est une formulation paresseuse, qui dit tout et rien, mais ceux qui ont vu le projet Fatzer réalisé dans ce même théâtre en 1998 par Claudia Bosse en auront peut-être une petite idée... C'est Josef Szeiler qui en avait conçu l'espace, et le Grü (à qui son alémanique syllabe -tli n'avait pas encore été ôtée) s'était vu pour la première fois aussi radicalement mis question dans sa relation avec l'extérieur/ville et la représentation/théâtre.  Le spectacle avait fait un certain ramdam....
Josef Szeiler revient donc sur les lieux presque 10 ans plus tard. Que va-t-il se produire entre lui et le collectif3? C'est tout l'enjeu du Labo 2. On devrait avoir une esquisse de réponse dans moins de quinze jours (voir ci-contre), et des nouvelles courantes au fil des jours...

dimanche 7 octobre 2007

cartes blanches aux pires cinéastes - 1/10





Au grütli, on a décidé de demander aux réalisateurs (et cinéastes) qu’on déteste le plus d’écrire des synopsis de films d’après les aventures du collectif3.

C’est David Jacobs (créateur de Dallas) qui se coltine le premier cercle.

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De septembre 2007 à juin 2008, le centre d’affaire international et de consulting boursier du Grütli prend le temps de révolutionner le monde des affaires. Repenser le capitalisme. Repenser toute la problématique libérale avec un team des onze meilleurs hommes et femmes d’affaires mondiaux, avec, chaque trois semaines environ, une conférence publique.

Mais au-delà de leur mission humaniste de ces penseurs de l’égalité des chances pour de vrai, ces penseurs, dis-je, sont animés de passions humaines, car bien que vivant et respirant dans les affaires depuis leur plus jeune âge, ils sont des femmes et des hommes avec des passions violentes et parfois mêmes déchirantes, peut-on dire, si j’ose.

C’est ainsi qu’à peine la première journée de brainstorming sur le thème de « casser du syndicat sans saloper nos pompes » entamée, Diego-Rodriguez Samovar, le célèbre exploitant pétrolier sud-américain tombe subitement en pamoison passionnée et violente à un point que je te raconte pas avec John-John Balley-Pastis, le célèbre fondateur canado-flammand d’origine niçoise par son père et grecque par sa mère de l’agence de consulting financier Fullpocket.

Diego-Rodriguez Samovar se confie alors à Dawn-Shauna Zvlek, la chiromancienne qui a lu la bourse dans les lignes des cartes de son jeu de rami (qu’elle tenait de son aïeul sourd et aveugle et bohémien) et a gagné comme je te dis pas, alors qu’ils rentrent dans le jet privé de la seconde dans le ranch secondaire de Davos du premier. Celle-ci lui dit que si il ne s’est rien passé après leur soirée à blaguer à gorge déployée sur le CAC40, dans la résidence de Neuilly de John-John, c’est qu’il ne se passera jamais rien, mais lui prétend que c’est pas vrai ça veut rien dire ta gueule merde. Ce à quoi Dawn-Shauna ne trouve rien à répondre.

Les semaines passent, tout le monde perçoit une tension entre Diego-Rodriguez et John-John, même la jeune Sophie-Laura Palcañte, qui pourtant est blonde et n’a été castée que pour remplir le quota de minorités visibles, et aussi pour subvenir aux besoins de jeunes midinettes de Cassy-Jane Norman-Wielker, l’organisatrice dominatrice fan de Bollywood à l’origine du projet, elle-même mandatée par le ministre des sous.

Cela dit, la plupart n’en ont rien à taper, comme par exemple Abdel-Adam Barowsky, descendant d’une longue lignée de joailliers reconvertis dans l’usure pure pour riches familles aristocrates asiatiques et africaines déchues, ou encore Bill-Bob Brandon, ancien cascadeur de Hollywood devenu golden-boy à soixante-cinq ans, ou même Nathan-Abdul Fieldenson, fils d’une riche femme d’affaire texane anorexique du milieu automobile et d’un ponte du pétrole saoudien impuissant (mais qui honore sa femme en payant de jeunes éphèbes philippins, dont Nathan-Abdul tient le teint bronzé), aujourd’hui à la tête du plus grand consortium pétro-automobile du monde, avec sa femme Georgia-Suzanne Clint-Jones, pompiste dans l’Owio à la beauté de glace qui sut d’un regard faire fondre le cœur de Nathan-Abdul mais c’était il y a longtemps car celui-ci passe désormais plus de temps avec leur chien Carax-Fitzgerald Bogdanov, conseillé personnel de Nathan-Abdul (un ouaf égale oui, deux ouafs égalent non), mais qui n’aboie, au grand désespoir de son maître, qu’interrogé par la susnommée Georgia-Suzanne, dont le don pour communiquer avec les animaux et le personnel de maison n’est plus à prouver.

Bref, Diego-Rodriguez va se confier à Dylan-Mike Newzack, le cardinal chargé de la gestion de la fortune du Vatican, qui n’en a rien à faire car il se dit qu’il mettrait bien sa grosse mitre sous la robe de soirée de l’élégante Lisa-Simone Jones, fondatrice du fond de pension Health&Wealth qui en 2007 détient le record du monde de placements boursiers pour une compagnie de fonds de pension, bien que tout le monde s’en foute, à part Samuel-Sanson Simpson, ancien sportif de haut niveau, seul blanc d’extrême droite à avoir cumulé une carrière honorable à la NBA et une carrière de chanteur de folk rock avant de fonder sa propre maison de disque et de devenir consultant pour Universal (entre autres). Vous saurez pourquoi une autre fois.

Bref, John-John minaude, bien qu’indéniablement attiré par Diego-Rodriguez Samovar, et au bout de presque deux semaines de jeu de chat et de souris, lui colle un énorme râteau en travers de la gueule, dont le choc donnera au premier cette idée de génie : « interdire les syndicats, c’est donner à l’homme sa liberté individuelle d’individu sans même qu’il s’en rende compte mais qu’il va te remercier après tu vas voir ». Et ce sera le thème de la première des dix conférences publiques (ou neuf, je sais plus), à laquelle se joignent, en plus des susnommés, Denis-Phillips Bishop-Mullan, ancien mormon reconverti en prêcheur télévisuel des bienfaits du capitalisme, et garant moral du grütli, Glenn-Maurice McCoy, le franco-néo-zélandais ancien cascadeur, conseillé financier occulte de la famille Bush, et ancien amant de Bill-Bob Brandon, qu’il avait rencontré de près lors d’une cascade qui avait mal tourné, et dont tout le monde ignore si leur histoire est réellement finie, problème qui intéresse particulièrement la journaliste financière Doña Elisabeth-Ellen Van Krammel qui voudrait se lancer dans le people-finance et qui n’a pas compris que « conseiller occulte » n’avait aucune connotation sexuelle. Pendant ce temps, Don Pascale-Emilio Casanueva, le réalisateur de drames politicos-financiers à succès gauchiste et mexicain, et Marie-Eleonora MacGallagan, sa scénariste attitrée, révolutionnaire et activiste, et ancienne maîtresse (infiltrée) du tout Wall-Street (avant qu’elle ne se convertisse aux aventures sulfureuses avec ses différents chirurgiens plastiques) sont convertis, comme toute la foule en délire dans laquelle se mêlent droite décomplexée et gauchistes (qui étaient venus là pour foutre la merde, comme toujours, sales gauchistes) aussi béats devant cette révélation libérale que des bonnes sœurs devant l’apparition de la Vierge dans leur living.

Et c’est dans cette ambiance de triomphe incontesté que Diego-Rodriguez Samovar aimerait s’approcher de Cassy-Jane Norman-Wielker et de Jane-Cassy Wielker-Norman, sa sœur jumelle diabolique, pour les remercier du fond du cœur et la larme pointant, humide et mouillée, au coin de son œil, avant qu’un ultime geste de pudeur ne le retienne, geste qui n’empêche pas un échange de regards d’une intensité telle que ça en dit long (note pour le chef op. : penser à faire un zoom) : « merci Cassy-Jane Norman-Wielker, merci Jane-Cassy Wielker-Norman, de m’avoir embarqué dans cette aventure humaine complètement formidable ». Au fait ça en dit long surtout parce qu’ils ont tous des noms interminables, finalement.

A suivre.

jeudi 4 octobre 2007

vendredi 5, samedi 6, dès 19h...

Voici maintenant 3 semaines que le collectif3 travaille avec les 3 premières intervenantes (voir ci-contre) du projet Dante qui dure 10 mois dans sa totalité. 
Premier Labo, premiers pas dans la forêt obscure et la touffeur de la poésie de l'Alighieri... Trois semaines qui ont été fortement orientées sur le travail vocal avec Dorothea Schurch, mais aussi sur les lieux et espaces de la Maison des Arts du Grütli, progressivement investis par la langue du poète. 
Ce labo a aussi été traversé par les voix de Pasolini, Sade, Foucault, Deleuze, Godard, pour n'en citer que quelques-uns.

Demain vendredi et samedi, dès 19h, la Maison va donc résonner des échos de ces premiers pas...

Premiers chants: la forêt obscure dans laquelle Dante affronte sa peur et rencontre Virgile qui sera son guide; le vestibule, seuil peuplé par les ignavis, ces êtres qui leur vie durant n'ont été que neutres et indécis, ne prenant jamais aucun parti; le franchissement de l'Acheron, ce fleuve que les damnés traversent dans la barque de Charon; et enfin le premier cercle, les limbes, où séjournent les esprits vertueux morts avant d'être baptisés, sort partagé par les petits enfants morts-nés et les sages nés avant le christianisme...

Lesquelles limbes viennent cette année même d'être "dissoutes" par l'église catholique, permettant désormais à ces âmes d'avoir accès au paradis:


FIGARO du 22 avril 2007

Vatican ne croira bientôt plus aux limbes

De notre correspondant au Vatican HERVÉ YANNOU.

 Le Pape s'apprête à approuver un texte redéfinissant le sort des enfants morts sans avoir été baptisés.

 LA GÉOGRAPHIE de l'au-delà pourrait subir un grand changement. Les limbes peuvent désormais être rayés de la carte par le Pape. Le concept des limbes, comme lieu où finissent les enfants morts sans baptême, est le reflet d'une « vision restrictive excessive du salut », ont en effet estimé les trente membres de la Commission théologique internationale dans un document révélé vendredi par la revue américaine Origins. Si le texte a été approuvé par le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal William Levada, avec l'accord de Benoît XVI, il n'a pas encore force de loi. Il reste au Pape à déclarer personnellement la fin officielle des limbes.

 Benoît XVI ne l'a pas fait hier. Il était pourtant en visite à Pavie. La ville lombarde conserve les reliques de saint Augustin, dont les réflexions sur le sort des enfants morts sans baptême inspirèrent les théologiens du XIIIe siècle pour définir le concept des limbes. En revanche, aucun pape, aucun concile n'a jamais défini officiellement cette frontière de l'enfer.

 Dante, dans La Divine Comédie, peupla ce no man's land des âmes des enfants et de ceux qui n'avaient pas péché mais qui ne pouvaient connaître Dieu faute de baptême. Les poètes Homère, Virgile ou Ovide, ainsi que César, Aristote et Platon, morts avant la naissance du Christ, mais aussi les musulmans, Averroès et Saladin, étaient ainsi condamnés pour l'éternité à errer dans les limbes.

 «Une simple hypothèse»

 Quant au futur Benoît XVI, alors gardien de la doctrine de l'Église, il expliquait en 1985 que les limbes n'étaient qu'« une simple hypothèse théologique qu'il faudrait abandonner ». « L'exclusion d'enfants innocents du paradis ne reflète pas l'amour particulier du Christ pour les petits enfants », ont estimé les théologiens après une réflexion de plusieurs années, tout en déclarant que « l'Église n'a pas de connaissance sûre sur le salut des enfants qui meurent sans être baptisés ».

 Les théologiens estiment que le sujet est devenu urgent dans une société « postmoderne », où de plus en plus d'enfants ne sont plus baptisés et où beaucoup sont « victimes d'avortement.

Le poids des mots...

Couverture de Paris Match, semaine du 4 au 10 octobre: 

Exclusif: Kristiyana, l'infirmière bulgare "Mes huit ans en enfer" 
Elle raconte la prison libyenne, les tortures, sa libération.

p. 80: titre: "Ressuscitée de l'enfer des geôles libyennes".

page 83: "Nous avons été transférés de l'enfer au paradis" déclare Kristiyana à son arrivée à Sofia. 


Oui comme le dit Edmond Jabès (voir ci dessous). l'enfer est un lieu, un espace où l'on fait souffrir. Ce n'est pas un état, ce n'est pas le Mal. Jacqueline Risset le rappelle dans la préface de l'Enfer, les lignes de chemin de fer reliant les villes d'Europe à Auschwitz formaient une cartographie du chemin de l'Enfer. Car,  contrairement au mal, qui peut se nommer mais pas se cerner l'enfer a toujours une limite, une frontière, un plan, et comme Dante on y entre et parfois on en sort, mais on ne commerce pas avec lui, on ne vit pas en bon voisinage avec lui. D'ailleurs Dante n'y entre pas seul, mais avec un guide, Virgile. Les infirmières bulgares ne sont pas sorties seules, mais Cecilia est venue les chercher (!). L'enfer est toujours clos, fermé sur lui-même et ses supplices, et ses bourreaux sont aussi les gardiens qui veillent sur ses parages. 
l'Enfer ne se traverse pas seul. 


mercredi 3 octobre 2007

Par dessus l'épaule des interprètes


Les laborantins illustrent leur travail vocal avec Dorothéa...

travail corps et voix, avec Dorothea

Coolness
Souplesse
Légèreté
....

trouver la voix...avec Dorothea

le travail vocal avec Dorothea Schurch. Carnets de notes des laborantins...