vendredi 28 septembre 2007

Birmanie: "provoquer l'enfer"?


Vendredi 28 Septembre 2007, 

Le Matin Bleu:

 « TIRER SUR DES MOINES REVIENT A PROVOQUER L’ENFER »

 BIRMANIE. Au moins neuf personnes, dont un journaliste japonais ont été tuées et neuf autres blessées hier à Rangoon lors des manifestations, selon un bilan officiel de la junte.

 «Tirer sur des moines revient à provoquer l'enfer», prédit Win Min, un analyste birman et militant prodémocratie réfugié en Thaïlande. Selon lui, les violences qui ont visé des bonzes - deux battus à mort et un tué par balle mercredi - ne pouvaient que mettre de l'huile sur le feu. Il se souvient qu'en 1988, malgré trois jours de tirs, les gens étaient encore dans la rue à manifester.

La journée d'hier était considérée comme un test de la volonté des manifestants après les actions résolument intimidantes du régime, qui a violemment dispersé des défilés et procédé à des centaines d'arrestations depuis mercredi.

La Chine, alliée de Rangoon, a, quant à elle, pour la première fois appelé toutes les parties à la retenue. Elle s'était opposée la veille à une condamnation formelle de la répression par le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le vice-président du Parlement européen, Edward McMillan-Scott, a souhaité que les pays de l'UE menacent de boycotter les Jeux olympiques de Pékin de l'été 2008 pour faire pression sur la Chine afin qu'elle intervienne auprès de la junte.

jeudi 27 septembre 2007

Le lieu où l'on fait souffrir


 (...)" L'enfer n'est pas le lieu de la douleur.
Il est le lieu qui fait souffrir.

Il n'est pas le Mal. le Mal a son lieu en nous. Nous ne pouvons servir de lieu à l'enfer.

Le Mal est sans lieu. Lorsque nous disons que son lieu est en nous, nous voulons dire que nous donnons à la douleur un lieu provisoire, car nous n'avons pas l'exclusivité de la souffrance; mais la souffrance, de son côté, n'existerait pas s'il n'y avait pas, pour l'éprouver, pour en témoigner, pour justifier en somme de sa réalité, l'homme qui souffre, l'homme aux prises avec sa propre douleur, dont les larmes et les cris ne sont que déchirantes manifestations de son mal.

Il n'a a pas de degrés dans le Mal.
Toute douleur est soi-même un tout. 
Le Mal est totalité de la souffrance.

Celui qui dit "J'ai mal" parce qu'il s'est blessé au doigt ou parce qu'on lui a arraché une dent, emploie le même mot que celui qui hurle sous la torture. 
Et pourtant qui oserait comparer leur souffrance?

Dans "enfermer", dans "enfermement" il a y  le mot "enfer". 
Et si l'enfer n'était que l'enfermement du mal dans le mal? 
Un mot - un monde - clos sur lui-même, comme le péché? "  (...) 

Edmond Jabès extraits de L'enfer de Dante / éd. Fata Morgana

mercredi 26 septembre 2007

l'Enfer, c'est tous les jours

MAP, 26 septembre 2007

Cela fait une semaine et demi que les laborantins s'enfoncent dans les entrailles de l'Enfer de Dante. Au milieu de Genève, pensez-y quand vous passez dans la rue du Général Dufour ou sur l'esplanade qui jouxte la Cave valaisanne et levez-les yeux vers les fenêtres du 2eme étage, ils sont sûrement là, travaillant à descendre en poésie infernale, au milieu de Genève, oui, ils sont là en travail, en Enfer, pour dix mois...
Enfer. Ca se pose là comme programme. Qu'est-ce que c'est que cet abîme-là, qu'est-ce que nous, habitants cosmopolites et biberonnés aux droits de l'homme et bercés aux idéaux d'Henri Dunant, qu'est ce que nous voyons quand nous scrutons cette obscurité-là? L'Enfer c'est les autres en soi? se demandent peut-être tout ceux, si nombreux dans notre cité de Calvin, à s'avancer dans leur forêt obscure avec un psy en guise de Virgile. S'il y a un Enfer, c'est donc qu'il y a un Paradis à retrouver, babolent peut-être toutes ces enfances chancelantes...

Vertige, vertige, et mise en abyme sans cesse quand on se met à y penser. Ainsi, pendant que nos laborantins travaillent en poésie, la lecture des journaux est édifiante et confirme: on n'en a pas fini avec l'Enfer, loin s'en faut. Il nous obsède, partout et sans cesse, pour de vrai et pour de toc, ou c'est tout comme. Voyez plutôt: 

20 septembre, dans le Matin (Fabrice Eschmann): 

Piégées, elles ont vécu l'enfer 

Une trentaine de jeunes femmes ont été exploitées par un patron de discothèque et ses acolytes. Prostituées de force, elles étaient également sous-alimentées

C'est un retour au temps de la traite des femmes que l'on a pu vivre hier au Locle. Cinq prévenus comparaissaient devant le Tribunal correctionnel pour avoir exploité sexuellement une trentaine de femmes ou pour avoir facilité leur prostitution. Des femmes, dont une mineure de 17 ans, qui logeaient dans des conditions insalubres, qui travaillaient 7 jours sur7 et qui n'étaient pas payées, ou presque. Le ministère public a requis des peines allant de 3 ans et demi de peine privative de liberté à 120 jours-amendes avec sursis. Le verdict sera rendu aujourd'hui.

Clan de profiteurs
C'est un véritable clan qui a agi entre novembre 2005 et août 2006. Il y avait le chauffeur roumain, le videur albanais, le nettoyeur serbe, le profiteur italien et le patron suisse d'origine albanaise. Ce dernier avait repris en 2003 la gérance de la Pyramide, une célèbre discothèque du Locle. Mais ne payant pas les cotisations sociales de ses «artistes», il perd la patente de la partie cabaret en octobre 2005.

Commence alors une chasse aux filles, qu'il fait venir du Brésil, du Maroc, de Pologne ou de Roumanie. Il se fait aider dans ses recherches par ses acolytes, notamment le chauffeur roumain ou le profiteur italien, ce dernier ayant fait venir sa belle-soeur, déjà prostituée en Slovaquie. Dans ses lettres d'invitation, le patron écrivait par exemple: «Je me réjouis de te faire visiter mon pays.»

Le ton changeait cependant très vite. A leur arrivée, les filles étaient d'abord mises au bar, puis à la danse, enfin poussées à la prostitution. Le piège se refermait alors: le clan les «testait» systématiquement, les menaçait, ne parlant plus d'elles que comme matière première sexuelle.

Une fille par bouteille de champagne consommée
A la Pyramide, puis dans un autre bar du Locle, l'achat d'une bouteille de champagne donnait droit à une fille. La plus jeune avait 17 ans. Résistant un moment, elle a fini par craquer après s'être fait menacer d'un fusil à pompe. Elle est allée rejoindre sa mère et les autres prostituées à la Pyramide. Ces dernières travaillaient de 19h à 4h du matin tous les jours de la semaine, parfois malades, souvent affamées. Ces femmes, grandes absentes du procès, ont toutes été renvoyées dans leur pays, victimes encore une fois de leur statut précaire.

Et le même jour, dans le Matin,  sous la plume de Nicolas Jacquier: 

Sion, proche du paradis, évite l'enfer

FOOTBALL  -  COUPE DE L'UEFA SION - GALATASARAY 3-2

Le Stade de Genève a fait le plein d'émotions. Au terme d'un match complètement fou, le club de Tourbillon a obtenu une victoire de prestige. En multipliant les parades, Vailati a été héroïque. Sion privé de deux penalties. Le retour s'annonce chaud, chaud, chaud...

 Avant de plonger dans le chaudron du stade Ali Sami Yen, le FC Sion se retrouve ce matin en fragile ballottage favorable. Comment interpréter le score de cette première manche genevoise? D'abord que Sion est déjà parvenu à effacer l'échec de 1997, lorsqu'il avait été humilié à domicile (défaite 4-1 contre ce même Galatasaray).

Les Valaisans ont certes gagné, réussissant à effacer sur la pelouse la différence de 135 millions de francs existant entre les deux clubs; mais ils ont aussi encaissé, revers de la médaille, deux buts qui pourraient s'avérer lourds de conséquence au décompte final. Sion pourra d'autant plus nourrir de regrets qu'il menait 3-0 avant de s'exposer au retour turc non sans avoir été privé de deux penalties évidents: le premier sur Geiger, quand celui-ci s'est retrouvé plaqué dans la surface (63e), le second suite à une main de Song non sanctionnée (73e). A l'inverse, les joueurs de Bigon pourront remercier leur gardien, préservant une victoire qui n'aura tenu qu'à une parade. En multipliant les arrêts décisifs, dont l'un, époustouflant effectué devant Sukur (86e), Vailati a évité le pire, alors même que Galatasaray exprimait toute sa puissance offensive...

Au-delà de cette victoire historique, le football restera toujours extraordinaire. Alors que d'aucuns se demandaient combien Sion encaisserait de but et à quelle sauce il serait dévoré, c'est Galatasaray qui allait commencer par sombrer. 1-0 en entrée, 2-0 comme dans un rêve, 3-0 en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, Sion s'est retrouvé hier soir en état de grâce.

Le réveil turc
Se payant toutes les audaces, le visiteur de Tourbillon allait parfaitement manoeuvrer, bousculant un adversaire ne sachant plus comment il s'appelait. 3-0 après une demi-heure: même dans leurs rêves les plus fous, les Valaisans n'auraient pas réussi à imaginer pareil scénario du bonheur. Le secret? Un Chedli étincelant, un Dominguez décisif, un Obradovic magnifique, un Alioui survolté et un... Galatasaray inexistant.

De 3-0 à 3-2 une mi-temps plus tard, le réveil turc avait sonné entre-temps. Presque logiquement. Quand bien même Dominguez, dans les arrêts de jeu, faillit inscrire le 4-2. «Le terrain a livré le résultat, devait lâcher Alberto Bigon. A 3-0, on a essayé de resserrer notre garde mais il était inévitable que les qualités techniques de Galatasaray allaient finir par s'exprimer. On peut être fier de cette victoire. Sion a prouvé qu'il possédait le niveau des grandes équipes européennes.» Dix ans après le 1-4 de Tourbillon, Il Mister pouvait avoir le sourire. Avant d'envisager le match retour avec un relatif optimisme: «Il n'y a aucun résultat qui permette de voyager à Istanbul avec sérénité. Il n'empêche qu'avec un match nul, on peut se qualifier...» Là-bas aussi, Sion a les moyens d'éviter l'enfer que lui promet déjà Galatasaray.


Et voici encore, pas plus tard qu'hier, mercredi 25 septembre, en Une, de la Tribune de Genève, l'édito de Denis Etienne:

En Birmanie, l’enfer est aux portes du paradis

Jusqu’à la mi-août à Rangoun, seul le calme bruissait. Assise depuis depuis de longues années sous ses confortables dorures, la junte militaire birmane a pensé à l’impensable: augmenter le coût de l’énergie, quintupler les prix du gaz, asphyxier une population dont, pour la majorité, le seuil de pauvreté constitue un pas-de-porte.
Au lendemain, ils étaient une poignée à manifester sous l’étouffoir. Pour la dictature, le pari était apparemment réussi. Une armée d’affidés, une administration loyale et des services de renseignements d’une discrète omniprésence allaient lui permettre de faire supporter l’insupportable.
Ils étaient donc une poignée à manifester à la mi-août, puis des brassées, et enfin la foule. Hier, plus de cent mille personnes ont défilé à Rangoon et, en miroir, dans plusieurs villes du pays.
L’histoire récente, notamment les événements au départ similaires de 1988, laisserait présager de la suite. Attente de l’essoufflement, qui ne vient pas, et au final une brutale répression pour annihiler les velléités de révolte jusqu’à la génération suivante.
Mais… Les moines vénérés sont plus actifs que jamais, fer de lance couleur safran qui remue les braises… Le parrain chinois souffle le froid, à l’aube des JO de 2008, désireux de devenir un partenaire plein et respectable de la mondialisation… La junte prend des allures d’orpheline avec une mitraillette usagée.
Il est au bord de l’enfer, ce paradis luxuriant pour les touristes. Mais il n’a jamais été aussi proche, en même temps, de cesser d’être infernal pour ses habitants.


traduire dit-il

Brice Catherin*, 24 septembre 2007 


Cessez de parler, la guerre menace 

Je suis assez frappé, comme beaucoup d’autres, par le gouffre séparant les langues italienne et française. Après lecture de deux extraits des chants de l’Enfer en italien, force est de constater que cette langue, même colorée par un subtil accent français, garde un pathos inhérent à son rythme, son articulation, et surtout au chant de ses voyelles, que le français perd. Je m’excuse d’ors et déjà auprès des éventuels lecteurs de ce blog de livrer une telle lapalissade, mais il me semble important de rappeler cette constatation. Quant au pathos dont je parle, il ne s’agit aucunement d’un pathos lourdingue, mais d’une émotion dont on ressent la troublante justesse non sans un certain étonnement, nous, pauvres francophones habitués à l’objectivité presque clinique de notre phrasé.

 J’ignore s’il ne s’agit ici que de pure subjectivité. Je me souviens de cette Chinoise me louant la beauté de la langue française, alors qu’elle trouvait que l’italien en faisait trop… Peut-être n’était-ce que pour coucher avec moi qu’elle fit au français ce compliment. Enfin je dis ça mais en même temps je me suis pris un râteau quand je lui ai proposé de mettre la beauté de ma langue dans sa bouche.

Du coup on en vient à envisager très franchement cette question : le français est-il une langue possible pour jouer (lire, déclamer, chanter…) La Divine Comédie ? Ce texte lu en français peut-il être autre chose qu’un malentendu ? Car, si le langage structure la pensée, comme me le rappelait il y a peu Sigmund lors de l’une de nos interminables conversations téléphoniques nocturnes, la langue, elle, structure l’émotion. A paroles égales, l’émotion ressentie en français sera (serait ?) bien moindre que celle ressentie en italien, qu’on comprenne ou pas ces deux langues. Alors comment rattraper ce handicap ? Faut-il seulement le rattraper ? Et tout ceci n’est pas facilité par la forme poétique du texte, car comme me le rappelait il y a peu Milan lors d’une de nos interminables conversations téléphoniques nocturnes, si la prose peut être traduite de manière équivalente par un utopique traducteur parfait, pour la poésie, on sait d’entrée que c’est foutu d’avance, puisque la poésie ne prend sens que dans sa langue originale. (Pour tout un tas de raisons que j’ai la flemme d’exposer ici.) (D’ailleurs, si vous le savez pas, j’ai pas envie de vous parler. Fermez cette fenêtre, et allez sur des sites de cul.) (Non, je n’ai pas envie d’être tolérant.

Ceci me conduit à pousser notre raisonnement plus loin : il faut interdire la traduction de la poésie. Ça ne peut créer que des malentendus. Et les malentendus, c’est mal. (Vous allez voir plus bas pourquoi, et vous allez être subjugués par ma virtuosité démonstrative.

Et j’irai même encore plus loin : si la poésie crée des malentendus lors de sa traduction, c’est parce qu’elle en crée déjà dans sa langue originelle. Il faut donc interdire la poésie. Et je le prouve : quand le président français (dont le nom m’échappe à l’instant) déclare avec le lyrisme qui le caractérise à son nouveau pote Kadhafi (le mec qui préside la Libye avec le talent que l’on sait) sur l’air de La Traviata : « Tieeeeeeens, je te vends uneuh usiiiiine nucléaire à dessaler l’eaaaaaaaaau de mer », ça veut bien entendu dire : « Bon, vieille quiche, je te file la technologie nucléaire pour que tu puisses construire tranquillos des petites bombes H de derrières les fagots, hein, copain ? », et comme les gens sont nuls en poésie, ils n’y voient que du feu et le président de la France gagne des points dans les sondages parce qu’il n’a pas fait libérer des infirmières bulgares (vu que c’est pas lui) tout en vendant l’arme nucléaire à un terroriste chef d’Etat. Comme virtuose, il se pose là, lui aussi. Comment peut-on encore tolérer la poésie après ça ?

 

Et d’ailleurs je vais aller encore plus loin. (Pardonnez mon audace.) Milan l’a dit (un peu plus haut, pour ceux qui ne suivent pas), une traduction parfaite est virtuellement possible avec de la prose. Virtuellement, parce que le traducteur parfait n’existe pas. D’ailleurs la perfection n’existe pas, je vous apprends rien, sauf l’amant parfait, mais c’est une autre histoire que j’aurai peut-être l’occasion de raconter une autre fois, et d’ailleurs on n’est pas là pour parler de moi. Alors quoi, quand on sait qu’une langue est, au plus, partagée par un cinquième de l’humanité, c’est mal barré pour éviter les malentendus. Si on est obligé de se parler, on est obligé de se traduire, et donc on est obligé de multiplier les malentendus. Or, comme je l’ai démontré plus haut (c’était le fameux moment de virtuosité démonstrative qui a dû vous subjuguer), les malentendus, c’est l’arme atomique, et l’arme atomique, ça finit tôt ou tard sur la gueule du voisin. Moralité : le langage, c’est la guerre.

 

Alors arrêter de parler, la guerre menace.

 

(Pour ceux qui ne sont pas très forts en prénoms : Sigmund est Freud, et Milan est Kundera. Quant au président français, ça me revient toujours pas.)

jeudi 20 septembre 2007

La vraie vie est ailleurs

                                               Lucie Zelger*, 18 septembre 2007

J'ai cette phrase en tête depuis mes 18 ans
et c'est vrai que, souvent, je me dis qu'est ce que tu fous encore ici à Genève
surtout que depuis quelques semaines plus rien ne me retient ici
même plus l'homme que j'aime
berlin
c'est là que je veux aller 
aussi pour découvrir cette langue maternelle que je connais si peu
parce que là-bas on essaie on expérimente on met le feu et on se brûle, je me dis
ici je grelotte la plupart du temps que je sors d'un spectacle

alors que tout m'y poussait je ne suis pas partie

je ne suis pas partie 
parce que ici à côté de moi est en train de se créer quelque chose que je cherche
désespérément à trouver depuis des années dans toutes les capitales
un théâtre 
dans cette maison des comédiens des danseurs des musiciens des metteurs en scène des scénographes des dramaturges 
un projet 
un laboratoire
un entraînement
du temps 
des gens de partout et de tous les horizons pour explorer se lancer ensemble dans une même 
aventure
une aventure de théâtre, oui 
mais une aventure qui dit non, on ne fera pas comme d'habitude
une aventure qui veut se positionner
qui me demande de définir ma place
qui me demande de définir ce qu'est le théâtre pour moi
une aventure poétique aussi

pour toutes ces raisons je ne suis pas partie
je suis là avec vous 
heureuse de faire partie - même une toute petite partie - de ce labo d'Enfer, de ce labo Dante.


*Julie Zelger est comédienne, récemment elle a joué chez Maillefer, Deutsch, Langhoff. Elle a rejoint le collectif3.

C'est parti...

Début: Lundi 17 septembre  

Dans l'actu de ce jour, un titre: Jospin flingue Royal. Ou comment Lionel voudrait envoyer Ségolène se faire cuire en Enfer dans un bouquin qui fait de la rancune une stratégie... peu gracieuse. 

Au Grü, c'est parti. Le premier labo d'Enfer est lancé. Comme toujours, ce qui ordonne l'espace temps c'est d'abord le planning. Un coup d'oeil au menu du jour, ce sera kung-fu, observatoire dramaturgique, entraînement vocal, et point sur l'organisation. Les jours suivants s'y ajoutent des répétitions avec Maya et Michèle, du yoga. 

Du kung fu on gardera la position du cavalier, celle qui dans une école shaolin est à la base de tout. Position basse, qui permet d'être au contact du sol, elle peut vous être utile, dit Dominique le prof. Le collectif serre les dents sur la proposition :  aller se frotter aux limites de la douleur. sentir qu'est ce que notre corps nous autorise vraiment à faire et quelles sont les limites qu'on se pose nous-même, avant. On est toujours étonné, le corps va beaucoup plus loin qu'on pense. 

Pause. Retour dans la white box, pour retrouver l'arpenteur dramaturgique pour une entrée en Renaissance. Les fils de la pensée de Bernard s'enroulent comme un cordage infini autour de la signification, de l'historicité de cette époque et de sa signification. 

Une idée, saisie au vol, qui parle de théâtre, et de ce fameux RE, qui chapeaute cette saison du Grü : "le terme répétition, comme idée de ressassement du même, est une idée fausse. Le retour du même ça n'existe pas, la répétition modifie, forcément."

Derrida: l'itération altère : réitérer modifie.

Et allez, pour la route, une belle méditation de Deleuze à prendre avec soi: Nous avons à renaître pour devenir fils de nos propres événements. 

*******

Entraînement voix, puis du concret, usage des lieux, circulation des livres... Présentation de Dounia, étudiante en lettre qui va suivre le travail. Dans une phrase pour la présenter, Michèle permet de mesurer les connaissances es milieu théâtral genevois : Elle est aussi la fille de Babar*!  
Un ou deux sourcils un peu surpris se lèvent, mais l'explication suit... 

(*technicien mythique de la Comédie de Genève, il règne dans les cintres de l'institution théâtrale depuis la direction de Benno Besson et se fait appeler par ce surnom).

La journée se termine, puis la deuxième, et ainsi de suite, la cadence est toujours rythmée par les entraînement de Dorothea, qui porte avec Maya et Michèle le premier labo. 

Le collectif prend ses marques, une première semaine c'est une première fois pour tout, il faut entrer dans le processus, et ce processus porte sa propre énigme, par son équation étrange et inédite... (voir site). 

A suivre.

lundi 10 septembre 2007

Un texte poétique à la scène




LE POEME MONTRE, IL ECLAIRE, MAIS EN DISSIMULANT ET 
PARCE  QU'IL RETIENT DANS L'OBSCURITE  CE QUI PEUT 
SEULEMENT S'ECLAIRER DE PAR L'OBSCUR ET EN LE GARDANT
  OBSCUR JUSQUE DANS LA CLARTE.

Maurice Blanchot


A quelques jours du départ...Combien de sandales?

(dessin Giacometti)

Collectif, vous avez dit collectif? 
On l'a dit, le projet Dante est axé sur la confrontation d'un collectif à la Divine Comédie de Dante pendant 10 mois.

 Concrètement, les choses sérieuses commencent, puisque c'est dans moins d'une semaine (17 septembre) que Maya Boesch, Michèle Pralong et Dorothea Schurch (voir site) donnent le coup d'envoi du labo d'Enfer avec Barbara, Jeanne, Véronique, Michèle, Marc, Fred, Roberto, Brice, Gaël, Lucie, sans oublier Bernard qui hissera sa voile dramaturgique.

Ensemble ils se préparent à franchir le vestibule infernal, avec à ce stade, quelques mots clés: 
le Mal, la Peur, le Bruit, la Nuit, la chute, la marche, la fatigue, le poète. 

Deux impulsions littéraires: Pasolini et Mandelstam. (on y reviendra)


"Meditant, me dit-on sur l'Enfer,
mon frère Shelley trouva que c'était un lieu
à peu près semblable à la ville de Londres. Moi 
qui ne vis pas à Londres mais à Los Angeles
je trouve en méditant sur l'Enfer qu'il doit
ressembler encore plus à Los Angeles."  Pasolini

Et, en guise de mise en jambe: 

"Lire Dante c'est surtout un labeur sans fin qui nous éloigne de but à mesure que nous avançons. Si une première lecture ne provoque jamais qu'un essoufflement et une saine fatigue, il faut, pour les relectures, se munir d'une de ces paires de chaussures suisses à clous, inusables. C'est avec le plus grand sérieux que je me demande combien de semelles, combien de peaux de boeuf, combien de sandales Alighieri a pu user au cours de son labeur poétique, tandis qu'il courait les sentiers de chèvre de l'Italie.
L'enfer, et surtout le purgatoire sont une célébration de la marche de l'homme, de la mesure et du rythme des pas, du pied, de sa forme. Le pas, associé au souffle et imprégné de pensée, est pour Dante le principe de la prosodie. 
Chez lui philosophie et poésie sont toujours en marche, toujours sur pied. L'arrêt même est comme un mouvement mis en réserve: Le palier où converser est conquis par exploit d'alpinisme. Le pied du vers - inspiration et expiration - est un pas. Le pas est déduction, éveil de l'esprit, syllogisme. 
( in Entretiens sur Dante / Ossip E Mandelstam)