mercredi 26 septembre 2007

l'Enfer, c'est tous les jours

MAP, 26 septembre 2007

Cela fait une semaine et demi que les laborantins s'enfoncent dans les entrailles de l'Enfer de Dante. Au milieu de Genève, pensez-y quand vous passez dans la rue du Général Dufour ou sur l'esplanade qui jouxte la Cave valaisanne et levez-les yeux vers les fenêtres du 2eme étage, ils sont sûrement là, travaillant à descendre en poésie infernale, au milieu de Genève, oui, ils sont là en travail, en Enfer, pour dix mois...
Enfer. Ca se pose là comme programme. Qu'est-ce que c'est que cet abîme-là, qu'est-ce que nous, habitants cosmopolites et biberonnés aux droits de l'homme et bercés aux idéaux d'Henri Dunant, qu'est ce que nous voyons quand nous scrutons cette obscurité-là? L'Enfer c'est les autres en soi? se demandent peut-être tout ceux, si nombreux dans notre cité de Calvin, à s'avancer dans leur forêt obscure avec un psy en guise de Virgile. S'il y a un Enfer, c'est donc qu'il y a un Paradis à retrouver, babolent peut-être toutes ces enfances chancelantes...

Vertige, vertige, et mise en abyme sans cesse quand on se met à y penser. Ainsi, pendant que nos laborantins travaillent en poésie, la lecture des journaux est édifiante et confirme: on n'en a pas fini avec l'Enfer, loin s'en faut. Il nous obsède, partout et sans cesse, pour de vrai et pour de toc, ou c'est tout comme. Voyez plutôt: 

20 septembre, dans le Matin (Fabrice Eschmann): 

Piégées, elles ont vécu l'enfer 

Une trentaine de jeunes femmes ont été exploitées par un patron de discothèque et ses acolytes. Prostituées de force, elles étaient également sous-alimentées

C'est un retour au temps de la traite des femmes que l'on a pu vivre hier au Locle. Cinq prévenus comparaissaient devant le Tribunal correctionnel pour avoir exploité sexuellement une trentaine de femmes ou pour avoir facilité leur prostitution. Des femmes, dont une mineure de 17 ans, qui logeaient dans des conditions insalubres, qui travaillaient 7 jours sur7 et qui n'étaient pas payées, ou presque. Le ministère public a requis des peines allant de 3 ans et demi de peine privative de liberté à 120 jours-amendes avec sursis. Le verdict sera rendu aujourd'hui.

Clan de profiteurs
C'est un véritable clan qui a agi entre novembre 2005 et août 2006. Il y avait le chauffeur roumain, le videur albanais, le nettoyeur serbe, le profiteur italien et le patron suisse d'origine albanaise. Ce dernier avait repris en 2003 la gérance de la Pyramide, une célèbre discothèque du Locle. Mais ne payant pas les cotisations sociales de ses «artistes», il perd la patente de la partie cabaret en octobre 2005.

Commence alors une chasse aux filles, qu'il fait venir du Brésil, du Maroc, de Pologne ou de Roumanie. Il se fait aider dans ses recherches par ses acolytes, notamment le chauffeur roumain ou le profiteur italien, ce dernier ayant fait venir sa belle-soeur, déjà prostituée en Slovaquie. Dans ses lettres d'invitation, le patron écrivait par exemple: «Je me réjouis de te faire visiter mon pays.»

Le ton changeait cependant très vite. A leur arrivée, les filles étaient d'abord mises au bar, puis à la danse, enfin poussées à la prostitution. Le piège se refermait alors: le clan les «testait» systématiquement, les menaçait, ne parlant plus d'elles que comme matière première sexuelle.

Une fille par bouteille de champagne consommée
A la Pyramide, puis dans un autre bar du Locle, l'achat d'une bouteille de champagne donnait droit à une fille. La plus jeune avait 17 ans. Résistant un moment, elle a fini par craquer après s'être fait menacer d'un fusil à pompe. Elle est allée rejoindre sa mère et les autres prostituées à la Pyramide. Ces dernières travaillaient de 19h à 4h du matin tous les jours de la semaine, parfois malades, souvent affamées. Ces femmes, grandes absentes du procès, ont toutes été renvoyées dans leur pays, victimes encore une fois de leur statut précaire.

Et le même jour, dans le Matin,  sous la plume de Nicolas Jacquier: 

Sion, proche du paradis, évite l'enfer

FOOTBALL  -  COUPE DE L'UEFA SION - GALATASARAY 3-2

Le Stade de Genève a fait le plein d'émotions. Au terme d'un match complètement fou, le club de Tourbillon a obtenu une victoire de prestige. En multipliant les parades, Vailati a été héroïque. Sion privé de deux penalties. Le retour s'annonce chaud, chaud, chaud...

 Avant de plonger dans le chaudron du stade Ali Sami Yen, le FC Sion se retrouve ce matin en fragile ballottage favorable. Comment interpréter le score de cette première manche genevoise? D'abord que Sion est déjà parvenu à effacer l'échec de 1997, lorsqu'il avait été humilié à domicile (défaite 4-1 contre ce même Galatasaray).

Les Valaisans ont certes gagné, réussissant à effacer sur la pelouse la différence de 135 millions de francs existant entre les deux clubs; mais ils ont aussi encaissé, revers de la médaille, deux buts qui pourraient s'avérer lourds de conséquence au décompte final. Sion pourra d'autant plus nourrir de regrets qu'il menait 3-0 avant de s'exposer au retour turc non sans avoir été privé de deux penalties évidents: le premier sur Geiger, quand celui-ci s'est retrouvé plaqué dans la surface (63e), le second suite à une main de Song non sanctionnée (73e). A l'inverse, les joueurs de Bigon pourront remercier leur gardien, préservant une victoire qui n'aura tenu qu'à une parade. En multipliant les arrêts décisifs, dont l'un, époustouflant effectué devant Sukur (86e), Vailati a évité le pire, alors même que Galatasaray exprimait toute sa puissance offensive...

Au-delà de cette victoire historique, le football restera toujours extraordinaire. Alors que d'aucuns se demandaient combien Sion encaisserait de but et à quelle sauce il serait dévoré, c'est Galatasaray qui allait commencer par sombrer. 1-0 en entrée, 2-0 comme dans un rêve, 3-0 en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, Sion s'est retrouvé hier soir en état de grâce.

Le réveil turc
Se payant toutes les audaces, le visiteur de Tourbillon allait parfaitement manoeuvrer, bousculant un adversaire ne sachant plus comment il s'appelait. 3-0 après une demi-heure: même dans leurs rêves les plus fous, les Valaisans n'auraient pas réussi à imaginer pareil scénario du bonheur. Le secret? Un Chedli étincelant, un Dominguez décisif, un Obradovic magnifique, un Alioui survolté et un... Galatasaray inexistant.

De 3-0 à 3-2 une mi-temps plus tard, le réveil turc avait sonné entre-temps. Presque logiquement. Quand bien même Dominguez, dans les arrêts de jeu, faillit inscrire le 4-2. «Le terrain a livré le résultat, devait lâcher Alberto Bigon. A 3-0, on a essayé de resserrer notre garde mais il était inévitable que les qualités techniques de Galatasaray allaient finir par s'exprimer. On peut être fier de cette victoire. Sion a prouvé qu'il possédait le niveau des grandes équipes européennes.» Dix ans après le 1-4 de Tourbillon, Il Mister pouvait avoir le sourire. Avant d'envisager le match retour avec un relatif optimisme: «Il n'y a aucun résultat qui permette de voyager à Istanbul avec sérénité. Il n'empêche qu'avec un match nul, on peut se qualifier...» Là-bas aussi, Sion a les moyens d'éviter l'enfer que lui promet déjà Galatasaray.


Et voici encore, pas plus tard qu'hier, mercredi 25 septembre, en Une, de la Tribune de Genève, l'édito de Denis Etienne:

En Birmanie, l’enfer est aux portes du paradis

Jusqu’à la mi-août à Rangoun, seul le calme bruissait. Assise depuis depuis de longues années sous ses confortables dorures, la junte militaire birmane a pensé à l’impensable: augmenter le coût de l’énergie, quintupler les prix du gaz, asphyxier une population dont, pour la majorité, le seuil de pauvreté constitue un pas-de-porte.
Au lendemain, ils étaient une poignée à manifester sous l’étouffoir. Pour la dictature, le pari était apparemment réussi. Une armée d’affidés, une administration loyale et des services de renseignements d’une discrète omniprésence allaient lui permettre de faire supporter l’insupportable.
Ils étaient donc une poignée à manifester à la mi-août, puis des brassées, et enfin la foule. Hier, plus de cent mille personnes ont défilé à Rangoon et, en miroir, dans plusieurs villes du pays.
L’histoire récente, notamment les événements au départ similaires de 1988, laisserait présager de la suite. Attente de l’essoufflement, qui ne vient pas, et au final une brutale répression pour annihiler les velléités de révolte jusqu’à la génération suivante.
Mais… Les moines vénérés sont plus actifs que jamais, fer de lance couleur safran qui remue les braises… Le parrain chinois souffle le froid, à l’aube des JO de 2008, désireux de devenir un partenaire plein et respectable de la mondialisation… La junte prend des allures d’orpheline avec une mitraillette usagée.
Il est au bord de l’enfer, ce paradis luxuriant pour les touristes. Mais il n’a jamais été aussi proche, en même temps, de cesser d’être infernal pour ses habitants.


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